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Publication - DOI : 10.1099/mgen.0.001067

Une approche phylodynamique révèle la dynamique épidémique du principal sous-type de Mycoplasma bovis circulant en France

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Julien THÉZÉ (Cf. Page personnelle)

Mots-clés

surveillance ; maladie respiratoire ; bovins ; bactérie ; remplacement de lignée ; transmssion ; génomique ; phylodynamique

Résumé

Mycoplasma bovis est un agent étiologique majeur des maladies respiratoires bovines dans le monde entier. Les études basées sur les données de séquences génomiques sont de plus en plus utilisées pour mesurer et surveiller la diversité génétique et la distribution mondiale de M. bovis, mais elles n'ont jusqu'à présent fourni que des informations limitées sur sa dynamique épidémique. Dans cette étude, nous avons utilisé une approche phylodynamique pour mieux comprendre la dynamique spatio-temporelle et démographique du sous-type 2 (st2) de M. bovis, le principal sous-type circulant en France au cours des deux dernières décennies et multirésistant aux antibiotiques. Nos résultats montrent l'émergence successive et la dissémination à l'échelle nationale d'au moins deux génotypes de M. bovis st2 introduits. Nos résultats soulignent également le rôle central des introductions, notamment de génotypes plus adaptés et potentiellement plus transmissibles qui peuvent rapidement supplanter les populations de M. bovis préexistantes. Ces travaux soulignent la nécessité d'une surveillance plus cohérente basée sur les données de séquences génomiques et d'une adoption et d'un développement accrus des méthodes phylodynamiques, car elles pourraient transformer la manière dont les systèmes de surveillance et les mesures de lutte contre les maladies sont conçus pour la santé animale.

Contexte et enjeux

Les maladies respiratoires bovines sont la cause la plus fréquente de morbidité et de mortalité chez les jeunes bovins dans le monde entier. L'une des bactéries les plus régulièrement impliquées dans cette maladie complexe et multifactorielle est Mycoplasma bovis [1]. En France, l’espèce a évolué à partir des années 2000 vers une multirésistance aux antibiotiques, avec la propagation dominante d’une population de sous-type 2 (st2) [2]. Les analyses basées sur les données de séquences génomiques sont de plus en plus utilisées pour surveiller la diversité génétique et la distribution mondiale de M. bovis, en complément des schémas de sous-typage existants basés sur le séquençage de queques loci [3]. Toutefois, ces analyses ont jusqu'à présent fourni des informations limitées sur la dynamique spatiotemporelle et démographique des sous-types en circulation.

Résultats

Nous avons appliqué une approche phylodynamique se basant sur des données de séquences génomiques pour explorer la dynamique épidémique de 88 souches de M. bovis st2 collectées entre 2000 et 2019 en France dans le cadre du réseau d’épidémiosurveillance Vigimyc [4]. Un fort signal d'horloge moléculaire détecté dans les données génomiques a permis des inférences phylodynamiques robustes, qui ont estimé que la population de M. bovis st2 en France est composée de deux lignées qui ont émergé successivement à partir d'introductions indépendantes de souches internationales. La première lignée est apparue vers 2000 et a supplanté le sous-type 1 précédemment établi et sensible aux antimicrobiens. La seconde lignée, qui est probablement plus transmissible, a progressivement remplacé la première population de M. bovis st2 à partir de 2005 et est devenue prédominante après 2010. Les analyses ont également montré un bref déclin de cette seconde population de M. bovis st2 vers 2011, peut-être en raison du défi posé par l'émergence simultanée du sous-type 3 identifiée en France à la même époque . Enfin, nous avons identifié des mutations non-synonymes dans des gènes associés à ces deux lignées, ce qui ouvre la voie à l'identification de nouveaux marqueurs moléculaires de surveillance.

Perspectives

Les approches phylodynamiques fournissent des ressources précieuses pour comprendre l'évolution et la dynamique épidémique des sous-types de M. bovis en circulation. Elles pourraient s'avérer essentielle pour développer des systèmes de surveillance et des stratégies de contrôle plus efficaces pour les maladies bactériennes en santé animale.

Valorisation

Cette étude financée par le réseau Santé Animale en Région Auvergne-Rhône-Alpes (SAARA) a été publiée en juillet 2023 dans le journal Microbial Genomics

Références bibliographiques

  1. Maunsell FP, Woolums AR, Francoz D, Rosenbusch RF, Step DL, et al. Mycoplasma bovis infections in cattle. Journal of Veterinary Internal Medicine 2011;25:772–783.
  2. Becker CAM, Thibault FM, Arcangioli MA, Tardy F. Loss of diversity within Mycoplasma bovis isolates collected in France from bovines with respiratory diseases over the last 35 years. Infection, Genetics and Evolution 2015;33:118–126
  3. Tardy F, Aspan A, Autio T, Ridley A, Tricot A, et al. Mycoplasma bovis in nordic european countries: emergence and dominance of a new clone. Pathogens 2020;9:1–15.
  4. Jaÿ M, Poumarat F, Colin A, Tricot A, Tardy F. Addressing the antimicrobial resistance of ruminant mycoplasmas using a clinical surveillance network. Frontiers in veterinary science 2021;8:667175.

Illustration

Fait marquant 2023 Thézé

 

Dynamique de la population du sous-type 2 de Mycoplasma bovis en France. (A) Taille efficace de la population (Ne) au fil du temps, estimée à l'aide d'une approche Bayésienne SkyGrid. La ligne noire et la zone grise hachurée représentent respectivement l'estimation médiane a posteriori de Ne et ses intervalles de densité crédibles les plus élevés a posteriori à 95 %. Les zones bleues et rouges indiquent la proportion relative de Ne des lignées A et B. (B) Nombre de reprodcution efficace (Re) au cours du temps, estimé à l'aide d'une approche Bayésienne Birth-Death Skyline. Les lignes bleues et rouges et les ombres représentent respectivement les estimations médianes postérieures de Re des lignées A et B et leurs intervalles de densité crédibles les plus élevés postérieurs de 75 %. Les flèches noires indiquent la première détection des sous-types 2 (en 2000) et 3 (en 2011) de M. bovis en France par le réseau d’épidémiosurveillance Vigimyc.

 

Voir aussi

  • Julien Thézé, Chloé Ambroset, Séverine Barry, Sébastien Masseglia, Adélie Colin, Agnès Tricot, Florence Tardy et Xavier Bailly. Genome-wide phylodynamic approach reveals the epidemic dynamics of the main Mycoplasma bovis subtype circulating in France. Microbial Genomics, 2023, 9 (7), pp.mgen001067. ⟨10.1099/mgen.0.001067⟩. ⟨hal-04181802⟩

Date de modification : 02 avril 2024 | Date de création : 02 avril 2024 | Rédaction : epia-communication